Journaliste au Monde et lui-même issu d’un milieu modeste, Mustapha Kessous, 36 ans, vient d’intégrer l’équipe de La Chance aux concours. Le moyen, pour lui, d’aider la jeune génération, qui se rêve journaliste, à lutter contre l’ « autocensure ».
Qu’est-ce qui vous a attiré vers La Chance aux concours ?
C’est Marc Epstein [président de l’association] qui m’en avait parlé quand on s’est rencontré, ça fait déjà plusieurs années. Puis il m’a formellement proposé il y a quelques mois de devenir parrain, j’étais très touché. Je trouve intéressant de prendre comme critère le social pour former des journalistes et de choisir d’aider les plus modestes. Dans notre corporation, il y a trop peu de mélanges. C’est un vrai problème. La mixité sociale permet à une rédaction de grandir, d’anticiper certains sujets, d’avoir plus d’instinct. Et si, en ce moment, il y a ce désamour envers les journalistes, c’est parce que nous ressemblons trop à la classe politique. La Chance aux concours permet de dépasser la corporation ; on arrive à former une petite famille et c’est aussi ce qui m’a attiré.
En tant que parrain, qu’espérez-vous pouvoir apporter aux étudiants de la Cac ?
Dans certains milieux, il y a parfois de l’autocensure. On se dit que ce métier n’est pas fait pour nous car on manque de bagages culturel ou économique… Je viens d’un milieu très modeste, ça ne m’a, pourtant, pas empêché de travailler dans un journal aussi prestigieux que Le Monde. Je pense que c’est un message encourageant. Plus je vieillis, plus je trouve important d’avoir des référents. Qu’un jeune puisse avoir un repère, et se dire : « Cette personne et moi avons plein de points communs ; elle a emprunté ce chemin et moi aussi je peux le faire ». Parfois, quand on commence à déblayer une route, on se pique dans les ronces, parce qu’on défriche un peu, mais après le passage est dégagé pour les suivants.
Vous avez fait vos premiers pas à la Cac fin mai, quelles ont été vos impressions ?
C’était un dimanche matin, on a fait passer des oraux blancs à quatre étudiants. C’est assez troublant. Assez vite, on croit deviner qui peut devenir journaliste, qui a des lacunes, qui a un gros potentiel, qui n’est pas fait pour ce métier. Au risque de se tromper, bien sûr ! Parfois, un candidat est touchant et on se dit qu’il sera capable d’émouvoir les gens dans son travail, dans ses écrits ou ses reportages radio ou télé. Un autre peut sembler brillant, mais un peu académique, peut-être trop froid : on se dit alors qu’il fera probablement un parcours sans faute. D’autres restent hésitants… Il arrive aussi, sans doute, que certains jeunes se fourvoient : ils sont convaincus que ce métier est fait pour eux, alors que ce n’est pas le cas. La Chance aux concours offre aussi cette possibilité : s’apercevoir qu’on s’est peut-être égaré. Ça aussi, c’est sain et c’est important.