Après avoir lancé La Chance aux concours il y a 9 ans, et en avoir été présidente pendant 5 ans, Baya Bellanger laisse sa place à Marc Epstein, rédacteur en chef Monde de l’Express et nouveau président de l’association. Retour sur la genèse de cette prépa gratuite aux concours des écoles de journalisme.
Plus de 2/3 d’étudiants d’admis dans une école reconnue cette année et 85 % des anciens qui travaillent dans le journalisme. Avec ces chiffres, Baya Bellanger, 36 ans, à l’initiative de La Chance aux concours, peut quitter la présidence de l’association confiante : « Je suis à la fois très heureuse et très surprise de voir à quel point la préparation a pu fleurir au cours des années. Chacun a apporté sa contribution, chacun s’est approprié la Chance aux concours. C’est avant tout une belle aventure humaine ! »
9 ans après la naissance de ce projet, cette réalisatrice freelance a quitté le bureau de l’association pour se consacrer à d’autres projets, tout en restant bénévole. Marc Epstein, rédacteur en chef du service Monde de L’ Express lui a succédé fin mai. « Il est venu avec une nouvelle vision, tout en ayant les mêmes envies et le même objectif, explique la jeune femme, souriante, il va apporter un nouveau souffle. »
Diplômée de Sciences Po Grenoble puis du Centre de Formation des Journalistes, Baya Bellanger, sensible aux questions d’égalité des chances, a toujours voulu faire « quelque chose d’utile pour les quartiers populaires. » mais ne savait pas comment. « J’étais jeune pigiste, j’avais un peu de temps, je me suis demandé : concrètement que puis-je faire aujourd’hui à mon petit niveau avec ce que je suis et ce que je sais faire ? »
Des journalistes plus représentatifs de la société
La réponse, elle la trouve en faisant un constat : « Dans ma promo au CFJ, quasiment tous les étudiants avaient fait Science-po ou s’étaient payés une prépa privée, très chère. Il y avait peu de gens issus de la fac ou boursiers, se souvient-elle. En tant que porte-voix, que témoins de la société, il est souhaitable que les journalistes soient le plus représentatif possible de celle-ci, donc proviennent de milieux et d’origines variées. »
Au cours d’une soirée, elle confie une idée à Olivier Le Hellard, Selim El Meddeb et Djebrine Belleili, ses camarades de promo : créer une préparation gratuite aux grandes écoles de journalisme pour des étudiants issus de milieux modestes. Enthousiastes, ses trois amis s’impliquent sans hésiter dans l’aventure et la soutiennent. « Baya est venue nous voir avec un grand sourire, se remémore Selim El Meddeb, correspondant de France 24 au Liban. Elle est plutôt du genre déterminée, elle nous a tous motivé et on a monté le projet, sans perdre de temps. »
Le petit groupe trouve un soutien auprès d’Arnaud Gonzague de l’association des Anciens du CFJ. « Baya, avait une idée extrêmement précise de ce qu’elle voulait, raconte ce dernier. De mon côté, j’avais aussi envie de faire quelque chose qui aille dans ce sens. Je leur ai conseillé de faire grandir le projet au sein de notre association. » Arnaud Gonzague est aujourd’hui chargé de constituer les fameux questionnaires de culture générale chaque semaine pour les étudiants. Le « mister culture gé de La Cac » a toujours encouragé ce projet « mortel » comme il l’appelle, même s’il avoue qu’il n’y croyait pas au début : « Je sentais Baya un peu jeune et trop ambitieuse mais je me suis absolument trompé. Elle et ses amis se sont révélés être des logisticiens hors pair. La Cac est une machine hyper bien organisée. »
« Sans les Anciens du CFJ, le projet n’aurait sans doute jamais vu le jour », insiste Baya Bellanger, « c’est formidable le soutien qu’on a eu dès le départ ». Même enthousiasme du côté du CFJ : Le directeur de l’époque, Fabrice Jouhaud, a très vite accepté de prêter des salles pour les séances du samedi après-midi. « On nous a fait confiance, tout le monde a cru à notre projet. » reconnaît-elle. Initiative concrétisée grâce à l’appui des anciens du CFJ, La Chance aux concours prend son envol et devient une association à part entière en avril 2010. Elle cherche alors ses propres fonds pour financer un poste de coordinateur et les frais de concours de ses étudiants.
Impossible de sortir de La CAC
« C’est une très belle réussite à notre échelle et cela reste un projet qui fonctionne bien, souligne David Allais, bénévole puis coordinateur et aujourd’hui consultant de cette « usine à gaz ». « Aujourd’hui l’association reste fidèle à l’idée d’origine. La spécificité de La Cac c’est qu’elle a été créée par des gens qui ont un côté spontané, pas par des entrepreneurs sociaux. » D’année en année, le projet prend de l’ampleur. Comme l’explique David Allais, La Cac a connu la deuxième phase de son développement en 2011, en passant de 12 à 24 étudiants, avec un temps de préparation rallongé. Avec le dispositif « coups de pouce », ce sont maintenant au total près de quarante étudiants suivis chaque année. Prochaine étape ? Développer des antennes en régions.
Forte d’une quinzaine de bénévoles la première année, La Chance aux concours compte aujourd’hui près de 200 bénévoles dont d’anciens étudiants. Parti d’une simple idée, cette « aventure humaine » constituée par ce réseau de journalistes, véhicule des valeurs d’entraide, de solidarité et de partage. « Lorsque je reviens du Liban et que j’entends ou que je lis le nom d’anciens étudiants que j’ai moi-même aidé, c’est un grand plaisir. » approuve Selim El Meddeb, co-créateur et intervenant lors de la première promotion. Un pari réussi en terme de diversité sociale comme le souligne Arnaud Gonzague. Même si Baya Bellanger, désormais présidente honoraire, quitte le bureau de l’association, elle reviendra avec d’autres idées dès la rentrée prochaine… « Une fois qu’on a mis le doigt dedans, c’est impossible d’en sortir. » lance-t-elle.
Nassima Ouaïl